Le Quotidien de l'Art

Sortir du jeu de cache-cache
J.P, Le Quotidien de l'Art, July 17, 2024
D’une ironie mordante, les titres donnés par Sabine Monirys (19362016) à ses tableaux sont de petites œuvres en soi, toujours à double lecture. Féroce incarnation de l’objectisation du corps féminin, le siège souillé rose bonbon de Passage (1973), aurait aussi pu être nommé Ceci n’est pas un fauteuil, tant son esthétique emprunte à un surréalisme tout sauf naïf. Reflet de ses tempêtes intérieures, l’œuvre de Sabine Monirys oscille perpétuellement entre l’humour et le drame, le rêve et le cauchemar. Ses personnages féminins, aux pieds diaphanes et chevelures-fourrures, nous tournent le dos, tandis que les personnages masculins nous font face, minuscules et goguenards. Ses paysages, d’une quiétude trompeuse, laissent planer un sentiment de malaise, claustrophobique.
En réunissant une dizaine de toiles, sculptures et polaroids des décennies 1970 et 1980 (entre 5 000 et 35 000 euros), la galerie ravive une époque charnière pour l’artiste – elle représenta la France à la Biennale de Venise en 1980 suivie d’une très longue traversée du désert. Sa directrice, Marie Deniau, veut faire sortir l’artiste de l’ombre et appeler les institutions qui conservent son travail à le sortir des réserves : « Quand Sabine Monirys divorce de Jacques Monory en 1971, elle se réapproprie son identité de femme et d’artiste, devant jongler avec l’éducation de ses deux fils. Elle change son nom en Monirys, elle fréquente des cercles féministes. Mais surtout, elle peint à une période où le milieu se dresse vent debout contre la peinture figurative. Opposée
à la marginalisation des artistes femmes, elle détonne par ses sujets très personnels : la dissimulation de soi, les rapports de force par le prisme de la sexualité, la difficulté d’être au monde. Tous ces facteurs font qu’elle n’a pas eu la reconnaissance qu’elle aurait mérité, malgré l’appréciation de quelques critiques et des acquisitions de musées nationaux. ». Il est grand temps que cela change.
J.P.
« Sabine Monirys. Messieurs, il fait froid ici », jusqu’au 20 juillet 19, rue Mazarine, 75006 Paris galeriekaleidoscope.com
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